Ce que j’aime dans ce sport c’est de pouvoir évoluer dans toutes les dimensions, un sentiment de liberté que je n’ai jamais ressenti hors de l’eau.
Mes parents n’ont jamais eu de lien direct avec le sport. La natation est venue en copiant sur mes 2 grandes sœurs qui en faisaient déjà en club. Et puis les bassins n’étaient pas loin de la maison, c’était à Aubagne, près de Marseille. C’est de là que vient mon accent (sourires).
C’est le chrono qui parle
Le tout jeune Alain, de 10 ans jusqu’à l’adolescence, c’est un garçon qui fait une tête de plus que les autres, qui est tout maigre et qui n’est pas forcément bien dans sa peau ! La natation a été un moyen d’expression exceptionnel pour moi. A travers les stages, les compétitions, j’ai gagné de plus en plus de confiance. C’est vrai que l’entraînement c’est très dur, c’est répétitif, mais « dans la vie on n’a rien sans rien ». C’est la première chose que m’a appris la natation. Et puis j’aime bien l’équité de ce sport. On ne dépend pas d’un juge qui note la performance. Tout le monde est à égalité, le bassin fait la même longueur pour tout le monde, la température de l’eau, les équipements aussi, c’est le chrono qui parle et c’est le meilleur qui touche en premier.
Un sentiment de liberté
Aujourd’hui, je rêve moins de natation, mais évidemment ça m’est arrivé très souvent. La nuit j’avais l’impression parfois de pouvoir nager sans reprendre mon souffle. A tel point que le lendemain, j’essayais de le faire à l’entraînement, et évidemment ça ne marchait pas (rires). Ce que j’aime dans ce sport c’est ce sentiment de pouvoir évoluer dans toutes les dimensions, en bas, en haut, en arrière, en avant, un sentiment incroyable de liberté. Je me souviens de certaines courses où j’ai eu l’impression de voir passer mes bras au ralenti et de pouvoir maîtriser pleinement mes gestes, grâce à la technique. C’est extrêmement grisant, je ne pense pas avoir eu une telle sensation hors de l’eau.
La médaille d’or au milieu de la nuit
Le 14 août 2008, c’est la consécration, je remporte le 100m nage libre des Jeux Olympiques de Pékin avec 11 petits centièmes d’avance sur mon principal rival, l’australien Eamon Sullivan. Ce qui est fou c’est que régulièrement on vient me voir pour me dire : “Je me suis levé avec mes enfants à 5h30 du matin, heure de Paris, pour pouvoir vivre votre course”. Même 13 ans après cela, savoir que des gens ont mis le réveil au milieu de la nuit pour regarder de la natation ça me met des frissons, c’est vraiment le côté magique du sport. Mon bilan sportif, c’est 5 records du monde, 4 médailles olympiques dont 2 en or et plusieurs médailles dans les grands championnats. Etonnamment, mon souvenir le plus marquant c’est mon dernier championnat de France en 2012 à Dunkerque. Je réussis à me qualifier pour le relais mais pas pour les épreuves individuelles des JO de Londres. Le public s’en aperçoit et lorsque je sors de l’eau, il y a une clameur, une standing ovation dans piscine pleine à craquer pour saluer l’ensemble de ma carrière. Ça fait chaud au cœur…
Transmettre et protéger
Aujourd’hui dans ma reconversion, l’élément central, c’est le partage d’expérience. Je suis très engagé dans la lutte contre la noyade à travers l’apprentissage de la natation mais aussi auprès d’entreprises qui développent du matériel pour éviter les accidents. C’est impensable qu’en 2021, dans une société comme la nôtre, des gens se noient parce qu’ils ne savent pas nager, c’est encore la première cause de mortalité sur les 6/12 ans. Ce que j’ai développé dans le sport m’aide évidemment dans le cadre de mes multiples activités. A l’entraînement et en compétition, on ne peut pas arriver en retard, on doit bien préparer son sac, penser à prendre une paire de lunettes supplémentaire pour palier un éventuel problème. Ce sens de l’organisation m’est aujourd’hui précieux. Lorsque je fais des interventions en entreprise à propos du management ou de la gestion du stress, je transmets aussi l’idée qu’il faut être rigoureux et se fixer un but, avec des objectifs intermédiaires à atteindre pour ne pas être frustré. Souvent dans le monde de l’entreprise, ce qui remonte, c’est également l’absence de communication. Là encore, mon expérience de sportif de haut niveau me permet d’insister sur l’importance d’exprimer ce que l’on ressent. Avec mon entraîneur Denis Auguin, on n’était pas des grands bavards tous les 2 mais, en 15 ans d’aventures communes au bord des bassins, on a appris à se faire confiance et à se confier l’un à l’autre pour pouvoir progresser.
Décrocher la lune
Mon moteur au quotidien, aujourd’hui, c’est le socle familial, c’est lui qui me permet de mener mes actions éducatives ou professionnelles avec énormément de passion et d’engagement. On vit des temps assez moroses, il faut savoir diffuser cette bonne humeur et cet engagement. C’est mon petit secret : vivre le sport et mes passions tout en conservant un ancrage fort avec ma famille et mes proches, de quoi garder les pieds sur terre tout en ayant la tête dans les étoiles pour tenter de décrocher la lune.